Contre le changement de la constitution:Martin Fayulu promet une large coalition et des actions de sensibilisation
«Pour stopper le projet du Président Félix Tshisekedi de changer la Constitution, le leader de l’opposition congolaise Martin Fayulu Madidi promet une large coalition et des actions de sensibilisation auprès de la population. L’opposant renouvelle aussi son appel à un dialogue pour une « cohésion nationale » sous la médiation des institutions religieuses».
(Avec Afrikarabia)
Afrikarabia : Vous avez rencontré ce week-end Moïse Katumbi à Genval, en Belgique, pour faire face au projet de révision ou de changement de la Constitution de Félix Tshisekedi. Qui a eu l’initiative de cette rencontre ?
Martin Fayulu : Cela fait plus d’un mois que nos deux secrétaires généraux ont signé une déclaration commune à Kinshasa pour stopper Félix Tshisekedi dans son idée de changer la Constitution et faire front commun pour lui barrer la route. Quant à la rencontre avec Moïse Katumbi, j’étais en Angleterre pour les obsèques de mon directeur de cabinet, Jean-Claude Mwalimu, puis j’ai rencontré Delly Sesanga à Paris. A Bruxelles, j’avais une conférence de presse et il se trouvait que Moïse Katumbi était aussi en Belgique, alors nous nous sommes vus.
Qu’est-il ressorti de cette rencontre dans ce lieu symbolique de Genval où l’opposition s’était déjà rassemblée en 2016 ?
A Genval en 2016, nous nous sommes rassemblés et nous avons arrêté Joseph Kabila qui voulait, à l’époque, changer la Constitution. Le président a cédé et a été obligé de provoquer la réunion de la Cenco [Eglise catholique – ndlr] qui a produit l’accord de la Saint-Sylvestre. Cet exemple prouve qu’aujourd’hui, on peut se mettre ensemble pour empêcher Félix Tshisekedi d’organiser son forfait et de rester au pouvoir. Avec Moïse Katumbi, on s’est dit aussi qu’en 2018 nous nous sommes aussi rassemblés pour créer Lamuka et nous avons vu les effets positifs de cette coalition que le peuple congolais a soutenu aux élections.
Que reprochez-vous au projet constitutionnel de Félix Tshisekedi ?
Félix Tshisekedi est un menteur. Il prend les articles de la Constitution pour les interpréter à sa façon. Je comprends qu’il n’a pas eu de cours de droit constitutionnel, mais si on prend l’article 217,
il suffit de savoir lire le français. Le texte dit que « la République démocratique du Congo peut », je dis bien « peut » et non « doit », « signer des accords comportant l’abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine ». Mais devant les Congolais, Félix Tshisekedi affirme que le Congo peut « vendre sa souveraineté à certains pays voisins ».
Voilà la supercherie et le mensonge. Le pouvoir dit aussi que la nomination d’un informateur pour identifier la majorité à l’Assemblée nationale a fait perdre 60 jours au gouvernement. Mais Félix Tshisekedi a une majorité écrasante de 95% au Parlement ! Il n’a pas besoin d’un informateur. Bassirou Diomaye Faye, au Sénégal, a nommé son Premier ministre quelques heures après son élection et son gouvernement en quelques jours.
Pendant la crise pré-électorale de 2015 à 2018, vous avez pu faire plier Joseph Kabila, que vous accusiez de vouloir s’accrocher à son fauteuil, grâce à la pression populaire dans les rues. Aujourd’hui, votre seul moyen d’action reste la rue ?
Le peuple est le plus grand moyen d’action. Et nous avons déjà commencé ce dimanche à Kinshasa avec un rassemblement de l’Ecidé dans Tshangu. Nous allons mobiliser, car nous savons que le peuple ne veut pas de ce changement de Constitution.
La rue ne vous a pas vraiment suivis en 2023, après des élections qui vous avez contestées. Et concernant le peuple, Félix Tshisekedi propose justement de le consulter sur son projet constitutionnel avec l’organisation d’un référendum ?
Si vous me dites que la rue ne nous a pas suivi après les élections de 2018, vous avez raison en effet. Mais c’était de notre responsabilité pour éviter un carnage.
Pour 2023, c’est différent.
Nous n’avons pas demandé au peuple de descendre dans la rue. Nous avons considéré qu’il n’y avait pas eu d’élections, mais juste un simulacre d’élections. Les dés étaient pipés. L’idée était de ne pas aller aux élections, mais on n’a pas réussi à se mettre d’accord au sein de l’opposition sur cette stratégie. Le fichier électoral n’était pas audité et il était clairement truqué.
Tshisekedi a mis dans les bureaux de vote des membres de l’Union sacrée alors que les directeurs des bureaux de vote sont les directeurs des écoles. Et puis il y a eu les machines à voter que l’on a retrouvé au domicile de membres de l’Union sacrée.
Vous redoutez l’organisation d’un référendum sur le changement de Constitution ?
Un référendum, c’est une élection. Premièrement, il faut une loi référendaire, et nous n’en avons pas. Deuxièmement, il faut un fichier électoral.
Quand vont-ils le faire, sachant que nous n’avons pas de fichier électoral fiable ?
C’est un torchon. Félix Tshisekedi mène les Congolais dans un cul-de-sac. Et plus, notre Constitution ne prévoit pas le mécanisme de son changement. Notre Constitution prévoit sa révision, avec des articles verrouillés [comme la durée et le nombre des mandats présidentiels – ndlr].
Est-ce qu’il y a des articles qui pourraient, selon vous, être modifiés ? On pense notamment au retour des deux tours à l’élection présidentielle ?
Quand on veut réviser la Constitution, il faut discuter avec les gens. Cela prend du temps. Concernant l’article 71, tout le monde est d’accord pour revenir à une présidentielle à deux tours. Mais avant tout, il faut se mettre autour d’une table. C’est pour cela que j’ai demandé la mise en place du processus de Kinshasa, au lieu du processus de Luanda [discussions entre la RDC et le Rwanda sous médiation angolaise sur la crise du M23 – ndlr]. Le processus de Kinshasa, c’est de se rassembler autour de l’idée de cohésion nationale. Comment retrouver l’intégrité territoriale, comment arrêter la gabegie financière de l’Etat, comment arrêter les violations des droits de l’homme, comment réformer pour aller aux élections de 2028 avec une loi et un fichier électoral ? Pour cela, il faut réunir toutes les parties prenantes : politiques, société civile, forces vives… On peut se mettre d’accord, par exemple, sur le deuxième tour de la présidentielle. Ces parties prenantes peuvent décider de revenir à la Constitution originelle de 2006. Pas besoin de changer de Constitution. Félix Tshisekedi veut une nouvelle Constitution, car il veut toucher le fruit interdit, c’est-à-dire l’article 220 [qui limite la durée et le nombre de mandats présidentiels – ndlr], et s’éterniser au pouvoir. Il n’y a pas un seul article de la Constitution qui empêche le président Tshisekedi de travailler.
Dans les articles que certains Congolais veulent la révision, il y a le sujet de la double nationalité, interdite par la Constitution.
L’article 10 explique effectivement que la nationalité est une et exclusive et ne peut être détenue avec aucune autre.
Mais est-ce que vous avez demandé aux Congolais des Kivu s’ils veulent modifier cet article ?
Mes frères et mes soeurs des Kivu me disent que si on modifie cela, tous les Rwandais et les Ougandais vont devenir Congolais. Il faut réfléchir. Cette affaire de nationalité n’est pas un problème.
On peut distribuer des visas à l’aéroport de Ndjili. Notre position est simple. Il faut revenir sur l’exclusivité de la nationalité, sauf pour les pays limitrophes.
Pour couper court aux spéculations sur le changement de Constitution, est-ce que Félix Tshisekedi ne devrait pas promettre de ne pas toucher aux articles verrouillés et de partir en 2028 pour prouver ses bonnes intentions ?
Non, Félix Tshisekedi n’a pas de bonnes intentions. Je le connait bien. Il utilise la méthode du « stop and go », la politique des petits pas. Il essaie… et voit si le projet passe.
Si ça ne passe pas auprès de la population, il marquera une pause avant de recommencer. Ses intentions sont connues. Il veut changer la Constitution et l’a dit clairement à Kolwezi. Son allié de circonstance, Jean-Pierre Bemba, a déclaré que Félix Tshisekedi ne lui avait jamais parlé de changement de Constitution.
Le lendemain de cette déclaration, Jean-Pierre Bemba se fait visiblement « taper » par son parti, ou par Tshisekedi et ses proches, et le MLC publie aussitôt un communiqué de soutien à la « révision/changement de Constitution » !
Dans ce front anti-Tshisekedi, vous vous retrouvez avec Joseph Kabila que vous avez longtemps combattu. Cette alliance contre-nature avec les kabilistes ne vous pose pas problème ?
Je n’ai aucune animosité envers Joseph Kabila et son groupe. Je sais ce qu’ils ont fait. On n’oublie pas. Mais je ne peux pas ruminer cela tout le temps et que cela m’empêche de dormir. J’ai fait ma part. Tout Congolais qui est contre ce changement de Constitution peut s’associer à nous. Ce n’est pas une question de personne. On doit mettre en avant l’intérêt du pays.
Dans mon message du 30 juin dernier, j’ai demandé à Félix Tshisekedi de se raviser et d’intérioriser le slogan d’Etienne Tshisekedi : « le peuple d’abord ». Et je demande à nos pères spirituels, l’Eglise catholique (Cenco) et l’Eglise protestante (ECC) de faciliter une rencontre entre parties prenantes sur les thèmes : vérité, réconciliation et cohésion nationale.
Quelles sont les prochaines étapes de cette coalition contre le changement de Constitution ?
En début de semaine, nous allons écrire une lettre au ministre de l’Intérieur pour annoncer que nous allons lancer dans les jours à venir une campagne de sensibilisation et d’information de la population pour expliquer pourquoi nous n’avons pas besoin d’un changement de Constitution. Nous avons plutôt besoin de recouvrer notre territoire, de donner à manger à la population et de l’emploi aux jeunes.
Cela veut dire des manifestations ?
Non, cela veut dire d’abord des meetings.
Qui retrouve-t-on comme partis politiques et personnalités dans cette coalition contre le changement de Constitution ?
Nous avons le FCC [pro-Kabila – ndlr] d’Emmanuel Ramazani Shadary, Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, le LGD de Matata Ponyo, et puis nous, l’Ecidé et les partis de Lamuka.
Et Delly Sesanga ?
Pour l’instant, Delly Sesanga est à la tête d’un mouvement qui s’appelle « Sursaut national » avec des organisations de la société civile.
Et notre souhait, c’est de pouvoir nous retrouver ensemble. C’était, notamment, le sens de ma rencontre avec Delly Sesanga à Paris.
Page précédente!
Contre le changement de la constitution:Martin Fayulu promet une large coalition et des actions de sensibilisation
Ecrire un commentaire
Commentaires